Je vous propose de lire l’histoire d’un autre artisan du bois, dont l’histoire a traversé nos frontières bien avant la conquête française…ceci pour expliquer ce que vaut l’Honneur nath Taourirth Menguelath…le monde découvrit le mot l’ânaya je vous ai dit plusieurs fois il faut être fier d’appartenir à Thaourirth ennegh.

El Hadj Amrouch ,est  le père ou le grand-père de l’un de nos deux artisans ,parce qu’ Il était aussi tourneur de plats en bois.

Sa condition était modeste, mais il était estimé de tous pour sa force, son courage, sa sagesse, sa probité. Sa femme, Fatima, lui avait donné quatre beaux garçons. El Hadj Amrouch était heureux.

Un jour, il prévint sa femme qu’il devait s’absen­ter pour ses affaires : il la laisserait seule avec ses enfants sous la sauvegarde de son nom. La nuit, la chienne kabyle à longs poils blancs, M’barka, assurerait la garde de la maison. Ayant ainsi décidé, El Hadj Amrouch partit.

Or un soir, tandis que Fatima préparait le repas, M’barka bondit en aboyant furieusement vers la porte. Des pas précipités s’étaient arrêtés au seuil; on secouait frénétiquement le lourd heurtoir et une voix haletante appelait : « El Hadj Amrouch ! El Hadj Amrouch ! » Fatima apaisa la chienne d’un geste et demanda :

« Qui donc est là ?

– Je suis l’hôte d’El Hadj Amrouch : Amar Amziane…, des ennemis me poursuivent; ils seront là dans un instant. Au nom de Dieu et de Sidi Abd-el-Kader, laisse-moi entrer !

– Entre donc et sois notre hôte, dit Fatima, tirant le verrou. El Hadj Amrouch est absent. Mais son nom ne saurait être invoqué en vain. »

L’homme entra et s’abattit à bout de forces sur le banc des hôtes.

Un moment plus tard, les pas d’une troupe nom­breuse s’arrêtaient à leur tour devant le seuil d’El Hadj. Le heurtoir résonnait de nouveau sous des mains violentes.

« Qui fait tout ce bruit ? » demanda Fatima.

– Nous sommes les gens de Bou-Dafal, répondit-on. Nous voulons Amar Amziane qui a tué notre frère et sur qui nous avons « rekba ». Fais-le sortir de ta maison.

– Amar Amziane est l’hôte de El Hadj Amrouch, répondit fermement Fatima. Si vous touchez à lui, craignez la colère d’El Hadj et celle des gens de Taourirt. »

Impressionnée, la troupe se retira et Amar reposa en paix sur le banc des hôtes gardé par M’Kabra.

Au petit jour, ayant reçu de son hôtesse la galette de blé et d’orge et une poignée de figues sèches, Amar supplia

« Je vais regagner mon village, ô femme ! J’y retrouverai la sécurité parmi les miens… Mais la vengeance de mes ennemis ne me frappera-t’elle pas avant que je l’aie atteint ? Ne peux-tu m’accorder l’anaya de ton mari et un gage qui la fasse recon­naître ? Ainsi serais-je à l’abri de tout danger…

– Soit, dit Fatima, très grave. Je te donne l’anaya. d’El Amrouch : voici sa chienne M’Kabra, connue de tous les villages des environs. Va, M’barka, suis l’hôte de ton maître et fais bonne garde. Le salut soit sur toi, ……. »

Et le Kabyle rassuré, ayant remercié son hôtesse, prit le chemin du retour.

Il s’aperçut bientôt qu’il était suivi : des frôle­ments suspects dans les branches du taillis, une pierre qui roulait sur la pente du ravin, l’allure inquiète de la chienne… Une angoisse lui griffa le cœur. Mais n’avait-il pas l’anaya d’El Hadj Amrouch ?

Quel Kabyle, oublieux de la tradition sacrée, oserait violer l’anaya d’un des plus estimés d’entre eux ? Hélas, à un détour du sentier, ses ennemis surgirent, menaçants. L’endroit était solitaire.

« J’ai l’anaya d’Amrouch, cria Amar, et voici sa chienne M’barka, gage de sa parole !»

Mais rendus plus furieux par leur déconvenue de la veille, ses ennemis restèrent sourds à l’appel de l’honneur. Debouz* et matraques jaillirent. Amar se défendit bravement, aidé de M’barka. La vaillante bête se multipliait, bondissant, s’agrippant à la gorge des agresseurs, mordant cruellement une épaule, déchirant les chairs. Mais Amar, abattu par une lourde pierre, tomba… Les meurtriers s’enfuirent et M’barka rentra au village, le ventre ouvert, les entrailles pendantes. À sa vue, Fatima poussa des cris et des lamentations qui alertèrent ses voisins  l’émo­tion fut grande : l’anaya d’El Amrouch violée ! Le crime appelait une vengeance impitoyable.

Ses affaires terminées, El Hadj Amrouch rentrait joyeux à la maison… Il trouva le village consterné, sa femme dans le deuil, M’barka ensanglantée et mourante. Il apprit l’outrage fait à son honneur. Du moins celui-ci avait-il été bien défendu. El Hadj se pencha vers sa chienne pour une caresse de remer­ciement. M’barka leva vers son maître un dernier regard. « J’ai fait ce que j’ai pu, paraissait-elle dire, humble et désespérée. Mais ils étaient trop…, j’ai cependant défendu ton honneur jusqu’à la mort, ô Maître. ».Un dernier frémissement, et la bête s’immobilisa.

Les gens de Taourirt et El Hadj Amrouch ven­gèrent leur honneur. Le village des Bou-Dafal fut rasé, leurs récoltes détruites. Eux-mêmes ne durent leur salut qu’à la fuite…

Et M’barka, la chienne héroïque, morte en défendant l’honneur de son maître, fut enterrée à la porte de la Djemaâ, sous une pierre. Pour honorer et perpétuer son souvenir, le village, depuis, porte son nom : « Taourirt N’Tidit », le « village de la chienne ».

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