Essayer de retrouver les origines d’un village, c’est, pour une bonne part, rechercher l’origine des familles qui le composent. Les quelques cinquante familles installées à Taourirt et à Ouaghzen ne proviennent pas d’une seule et unique souche. On en compte trois, maraboutiques, revendiquant une origine arabe. On trouve également une famille d’aklan (noirs ou descendants de noirs) : il est vrai qu’on les dit tels non pas tant par les naissances que par leur renonciation aux droits de citoyens libres.
Ces familles ne sont pas établies toutes en même temps sur le territoire du village : certaines y sont arrivées à une date relativement récente, comme les Aît-Abbo, par exemple.
En Kabylie, pas de sources écrites : rien d’autre que les traditions locales pour se documenter, et, hélas ! que de contradictions, que d’obscurités dans ces traditions ! La datation s’avère presque impossible : certaines personnes âgées, hommes ou femmes, s’affirment aisément contemporaines de faits arrivées il y a un siècle et demi, sinon plus !
Des informations ou récits recueillis à Taourirt ou ailleurs, il semble que l’on puisse établir trois étapes dans l’histoire des familles qui, peu à peu, ont formé le village. Au cours d’une première période, on trouve les familles dispersées à travers la « forêt », à distance assez rapprochés toutefois. Dans un deuxième stade, ces familles, sous l’influence d’un personnage plus avisé et plus influant, se regroupent en village. Enfin, dernière étape, les familles, formant communauté quand au lieu, s’organisent administrativement : elles se donnent une autorité et se répartissent en groupements, quartiers et çoffs, destinés à maintenir un équilibre des forces et à empêcher l’anarchie.
Première étape pour Taourirt : les familles dispersées. Autrefois, la Kabylie, s’il faut en croire Ibn-Khaldoun, n’était qu’une immense forêt impénétrable. Elle était le repaire des bêtes fauves, lions et panthères, aujourd’hui disparus, dit-il, d’une vigueur extraordinaire : une des preuves n’en serait-elle pas dans les poutres de la toiture de l’une des maisons de Taourirt que l’on dit parfois (mais les avis ne concordent pas), taillées dans des troncs d’aubépine (idmim) ?
Quoi qu’il en soit, cette forêt n’était pas inhabitée : des familles y étaient installées et y vivaient pauvrement, de chasse, sans doute, et de cueillette.
Pour le territoire du village qui nous occupe, on site le nom de certains de ces premiers emplacement habités : il y reste parfois des sombrants de ruines : on trouve : Bou-Qsir, avec les Aït-Maatouq qui en auraient chassé les Aït-Lefqi, de Taourirt-Amrane ; Iger-Ali, avec les Aït-Abdelkader, les Aït-Messaoud, les Aït Ali Ou-Mhend; Tighribine, les Aït-Maameur ; Tansaout, avec les Aït-Yâla.
Deuxième étape : regroupement des familles en villages sous l’influence d’un personnage important. Le héros ici fut Si Lhadi Bou-Derbal. A une date inconnue mais sans doute Lointaine (XIIIe ou XVe siècle), il venait s’installer à l’endroit où se trouve maintenant le village de Taourirt : il venait de Tamukrest, hameau des Aït-Sidi-Ahmed où s’était installé son ancêtre, Si-Mohand Ou-Belkasem, lui-même descendant de Sidi Ahmed Ben-Youssef, de Miliana.
Il était accompagné d’un frère (parenté contestée d’ailleurs), nommé Ameur. Ce dernier, délaissant le culte religieux pour la simple culture du sol, devrait perdre sa qualité de marabout, en gardant toutefois pour lui et ses descendants le « Si » honorifique préfixé à son nom, Si-Ameur. Lorsque les deux frères arrivèrent à Taourirt, c’était une forêt. Une vielle femme, appelée Zoubida, y habitait seule. Sidi-Lhadi ne cessa de travailler au regroupement des familles dispersées, usant à cette fin sans doute de son pouvoir de bénédiction et, aussi, de malédiction.
Les premiers à venir les rejoindre furent les Aït-Oufkir, les Aït- Mesbah, les Aït-Yâla. C’étaient de rudes gaillards, ne redoutent ni dieu ni maître. Leurs luttes incessantes devaient causer de nombreux soucis 0Sidi-Lhadi : lorsqu’on lui demandait : Comment allez-vous Sidi ? Il ne manquait jamis de repondre : comment voulez-vous que je me sente bien, moi qui suis entre les Aït-Yâla et les Aït-Si-Ameur ?
Aux trois familles mentionnées, aujourd’hui disparues, d’autres devaient se joindre par la suite : elles quittaient leurs repaires isolés aux environs du nouveau village ou même arrivaient de beaucoup plus loin : ainsi, les Iâkouchène venaient d’Oued-Mahdi.
Certaines allaient acquérir une réelle célébrité :
- Ay asmi terbeh ddunnit
- D Uaekkuc dUmaemmer :
- Tura mi zelzen leawam,
- Yur ennuba W-Si-amer !
- Quand le pays était prospère,
- Ses guides étaient les Iâkouchène et les Aït-Si-Ameur.
- Maintenant que tout est bouleversé,
- On ne parle plus que des Aït-Si-Ameur.
Petit à petit donc, sous la sage direction de Sidi-Lhadi Bou-Derbal et de ses descendants, le village de Taourirt se développa et fut en mesure de se donner l’organisation sociale et administrative dont devait s’enorgueillir pendant des siècles les montagnards de la Kabylie. Pour ses habitants, Taourirt fut la petite patrie, dont il fallait défendre le territoire contre les incursions de voisins turbulents et compléter l’espace vital.
Les premiers à venir les rejoindre furent les Aït-Oufkir, les Aït- Mesbah, les Aït-Yâla. C’étaient de rudes gaillards, ne redoutent ni dieu ni maître. Leurs luttes incessantes devaient causer de nombreux soucis 0Sidi-Lhadi : lorsqu’on lui demandait : Comment allez-vous Sidi ? Il ne manquait jamis de repondre : comment voulez-vous que je me sente bien, moi qui suis entre les Aït-Yâla et les Aït-Si-Ameur ?
Aux trois familles mentionnées, aujourd’hui disparues, d’autres devaient se joindre par la suite : elles quittaient leurs repaires isolés aux environs du nouveau village ou même arrivaient de beaucoup plus loin : ainsi, les Iâkouchène venaient d’Oued-Mahdi.
Certaines allaient acquérir une réelle célébrité :
- Ay asmi terbeh ddunnit
- D Uaekkuc dUmaemmer :
- Tura mi zelzen leawam,
- Yur ennuba W-Si-amer !
- Quand le pays était prospère,
- Ses guides étaient les Iâkouchène et les Aït-Si-Ameur.
- Maintenant que tout est bouleversé,
- On ne parle plus que des Aït-Si-Ameur.
Petit à petit donc, sous la sage direction de Sidi-Lhadi Bou-Derbal et de ses descendants, le village de Taourirt se développa et fut en mesure de se donner l’organisation sociale et administrative dont devait s’enorgueillir pendant des siècles les montagnards de la Kabylie. Pour ses habitants, Taourirt fut la petite patrie, dont il fallait défendre le territoire contre les incursions de voisins turbulents et compléter l’espace vital.