Un homme de Taourirt avait un garçon. Il alla au marché acheter de la viande.
Sur le chemin du retour, quand il arriva au Petit Pont, des gens d’Elqern se jetèrent sur lui et voulurent lui enlever sa viande. Il essaya de se défendre mais ils étaient trop nombreux et ils la lui prirent.
Il retourna au marché pour acheter un autre chapelet de morceaux. A son retour, les autres étaient là pour le voler une deuxième fois. Il essaya de passer, mais il ne le put.
Il se met en devoir de retourner faire sa provision.
A son retour, il les retrouva encore et, pour la troisième fois, ils s’apprêtaient à le voler. Cette fois, il leur résista avec acharnement : sa colère n’avait plus de bornes. Ils le frappèrent, il leur rendit leurs coups. Il réussit à leur échapper et se sauva en emportant sa viande.
Il arriva chez lui, déposa la viande et se précipita à la tajmaït où il trouva un des chefs de quartier qui fit rassembler les hommes et leur dit :
A l’aide, gens de Taourirt ! Ceux d’Elqern s’en prennent à nous ! Ecoutez ce qu’ils ont fait à un tel ce matin.
Chacun se précipiter chez lui pour y prendre une arme : qui, une pioche, qui, une hachette, qui même, un simple pieu. On emporta également quelques bidons de pétrole (!) Puis, on se mit en route vers l’ennemi.
Il y eut une terrible bataille. Les gens de Taourirt l’emportèrent. Prenant les bidons de pétrole, ils mirent le feu au village et incendièrent tout.
A dater de ce jour, les gens d’Elqern ne tendirent plus d’embuscade aux habitants de Taourirt.
Note :
Ce marché n’est pas celui de Michelet qui n’existait pas, mais le marché appelé Ssebt n At Yehya, près d’Ait Hichem.
Reprises des hostilités
Les gros bonnets de Taourirt allèrent conférer avec les Aït-Khlef pour faire cesser les différents qui les opposaient.Parmi les Aït Khlef, les gens de l’Elqern décidèrent d’offrir un festin aux gens de Taourirt. Ceux-ci crurent que la paix était enfin retrouvée. Mais Aït Khlef ne méritent pas confiance. Dans la nourriture qu’ils avaient préparée, ils mirent du poison.
Une femme, apparentée à quelqu’un de Taourirt, se trouvait dans la maison où se faisait la cuisine. Elle alla trouver un homme de Taourirt et lui dit :
Comment, s’il vous plait, appelez-vous l’oiseau qui sautille sur la haie ?
- Il répondit :
Et bien, c’est un oiseau !
Que non, répliqua-t-elle : vous oubliez ! On le nomme celui qui s’échappe. Faites bien attention à ce que l’on va vous donner à manger.
Les Aït-Khlef invitèrent les gens de Taourirt à venir Manger, mais ceux-ci commencèrent à s’esquiver : l’un deux prétexta : je vais faire ma prière ; un autre ; je vais faire mes besoins ; chacun, enfin, de trouver sa raison.
- Quand ils furent tous sortis, l’homme qui avait été prévenu par la femme dit :Le couscous où l’on a mis la mixture
Pue la trahison :
A le manger la toux vous prend,
Le ventre se gonfle.
Attendre quoi que ce soit de Taskenfout
C’est se voir bientôt trompé !
Dès lors, ils reprirent la lutte contre les Aït-Khlef.
Destruction définitive du village d’Elqern
Taourirt et Elqern étaient en guerre. Elqern n’était pas Elqern de maintenant, mais un gros village s’étendant jusqu’au noyer des A¨t-Sidi-Saïd.
Taourirt n’avait pu trouver le moyen de l’envahir : il n’y avait en effet que deux portes d’accès, l’une à l’Ouest, l’autre à l’Est. Ils ne pouvaient donc pas y entrer.
Il y avait alors un homme appelé Mahfoud d’Elqern. Il allait d’une noce à l’autre ou bien à des enterrements pour y manger un peu de couscous : le couscous seul l’attirait : c’était un simple d’esprit.
- Les Iâkkouchen allèrent le trouver et lui dirent :
Mahfoud, il n’a personne comme toi. Les gens du village te méprisent : ils ne te considèrent même pas comme un homme. Nous allons nous occuper nous-mêmes de tes intérêts.Comment ? demanda-t-il ? - Nous, dirent-ils, gens de Taourirt, nous estimons les hommes intelligents et nous ne méprisons qui que ce soit. Si tu fais ce que nous allons te demander, nous te donnerons de quoi t’installer chez nous, te trouverons une femme ; nous te donnerons les champs de Chakher. Tu ne manqueras de rien. Tu peux refuser, mais, crois-le-bien, c’est uniquement la pitié que nous avons pour toi qui nous pousse, ton seul intérêt.alors ? demanda-il.
qu’est-ce qu’il faut faire ? Quand viendra la nuit, tu nous ouvriras les portes de l’Elqern afin de nous permettre d’y entrer.
voila qui est facile, dit Mahfoud : cette nuit même, je vous les ouvrirai.
Les gens de Taourirt se préparèrent. Ils se présentèrent devant l’Elqern, trouvèrent les portes ouvertes, y pénétrèrent et tuèrent beaucoup de monde. Les Aït-Khlef furent ruinés, exterminés, réduits à l’abjection : ils ne s’étaient, dans leur sommeil, méfiés de rien.
Les hommes de Taourirt emportèrent avec eux un souvenir de leur victoire sur Elqern : les linteaux des portes du village : ce sont les longues pierres que l’on voit à Taourirt, dans la tajmaït d’en haut. Quand à Mahfoud, les gens de Taourirt le payèrent en monnaie de singe.
Imbécile, lui-dirent-ils, tu nous, tu nous as livré ton village : que ne feras-tu pas pour un village étranger si tu y entrais ? Tu serais capable de le livrer pour un oignon !
C’est depuis lors que l’on dit en manière de proverbe, lorsqu’on s’attaque à quelqu’un : je ne suis pas Mahfoud d’Elkaren !
Note :
Voir une autre version p. 212. Iâkkouchen auraient pris comme garants de leurs promesses envers Mahfoud les marabouts d’Aït SidiSaïd. A la suite de la tromperie, ces marabouts maudirent cette famille en disant : Grey-awen am tamart n wakli : ur tneggrem, ur txellfem ! Vous serai comme la barbe de nègre qui ne diminue ni ne pousse !
Renaissance d’Elgern
Quand Dieu estima venu le moment d’avoir pitié des Aït-Khlef, de multiplier de nouveau, il leur envoya un marabout appelé Chikh Mohand qui leur dit un jour :
- Construisez-moi une hutte de branchages.
Ils la lui construisirent avec des piquets.
Il ajouta :
- Restez ici, passez y la nuit, afin que, demain, vous puissiez me la couvrir.
Le jour venu, il les envoya chercher :
- Venez donc voir, leur-dit-il, les piquets que vous avez employés pour la hutte.
Ils virent alors que les piquets avaient pris racine et donnaient déjà des feuilles. C’était un miracle.
Allant le trouver, ils lui disent :
- Maître, les piquets que nous avons plantés hier ont donné des rejetons.
- Et bien, dit-il, soyez dans la joie : les soutiens des Aït-Khlef vont croître désormais.
Note :
Le Chikh Mohand dont il est question ne peut être, bien que certains l’aient affirmé, Chikh Mohand de Taqa : celui-ci vivait encore au début du siècle.