La physionomie de Sidi Mhend Ousadoun, telle qu’elle nous apparaît d’après les récits historiques ou légendaires qu’on a pu glaner auprès des gens, n’est pas sans poser certaines difficultés. Tout d’abord, deux villages, fort distants l’un de l’autre, Taourirt des At-Mangellat (région de michelet) et Tagmount-Azouz, des At-Mahmoud (région de Tizi Ouzou), revendiquent les previlège de posséder la tombe de ce saint personnage, appelé, à Taourirt, Sidi (Monseigneur) et, à Tamgount –Azouz, Djeddi (Mon ancêtre). Aux deux endroits, on raconte également, presque mot par mot, l’histoire de son miraculeux marché.
A cette première anomalie, qui n’est pas pour étonner dans l’hagiographie berbère, s’en ajoutent d’autres, plus troublants. Les traits de caractère et les faits prêtés à Sidi Mhend Ousadoun Permettant de se demander si l’on a pas groupé sous le nom d’un seul individu des éléments se rapportant à plusieurs autres, moins connus et oubliés ; Ainsi, Sidi Mhend Ousadoun Serait tout à la fois poète qui n’hésite pas à passer des heures à raconter des tiqsidin et amin de village si préocupé du soin de ses administrés qu’il n’en dormait pas la nuit.
A Tagmount-Azouz, il aurait eu des descendants, alors qu’à Taourirt, il aurait mort sans enfants mâle.
Mais le point le plus mystérieux est, sans conteste, celui de la religion pratiquée par ce saint. D’après la croyance populaire, il aurait été admis à prier dans l’intimité du prophète. D’après certaines affirmations, difficiles à vérifier actuellement, il aurait été chrétien. Voici ce qu’en dit Mesnage {Déclin et extinction du christianisme, pp ; 202, 203} :
“ Au cimetière de Djeddi (Mangellat), vous verrez une tombe, qui paraît très ancienne, et aux coins de laquelle se dressent bien régulièrement quatre vieux chênes, un à la tête, un autre aux pieds, les deux autres à droite et à gauche. Si vous demander qui est enterré là, on vous dira : c’est peut être l’un des vôtres : il n’a jamais voulu invoquer notre prophète, ne prononçant que la première moitié de la formule islamique : il n’y a de Dieu que Allah ! Et se refusant à dire l’autre. D’où son nom «Bou noc echh’ada, l’homme à la demi formule ». Il vivait à Taourirt n Tidit, village des At-Mangellat, où l’en montre encore sa maison. Il était probablement chrétien, peut être même prêtre. Avant de mourir, il a demandait qu’on plantât sur sa tombe quatre arbres en forme de croix. Ces arbres vivent encore : il serait facile de savoir l’époque approximative à laquelle vivait ce personnage mystérieux.”
Ce calcul a été tenté à partir de l’épaisseur du tronc de ces arbres et aurait abouti à fixer le milieu du XVIIIe siècle comme date de la mort de Sidi Mhend Ousadoun . Mais, reconnaissons-le, le calcul a été fait de manière plus qu’empirique.
L’existence de cette tombe aux signes extérieurs apparemment chrétiens pose des problèmes pour le moment insolubles. A peine peut-on en donner une explication satisfaisante. Sans aller jusqu’à voir en Sidi Mhend Ousadoun , pour employer une expression d’E.F.Gautier {Les siecle obscures du Maghreb}, « un exemple de christiansime résiduel » en Kabylie, il semble que l’on doive admettre qu’il fut chrétien. Chrétien autochtone, converti par quelque missionnaire accompagnant une délégation espagnole auprès du roi Koukou ? Explication difficile étant donné la répugnance du milieu à admettre un tel converti. Ou, plus simplement, chrétien européen. Esclave ou rescapé de la malheureuse expédition espagnole de 1603 sur la côte d’azeffoun. Venu s’installer en montagne kabyle et ayant obtenu par sa conduite une réputation de sainteté. Ce ne serait pas le premier.
Sidi Mhend Ousadoun, dès sa jeunesse, s’adonna à la piété et y persévéra jusque dans ses vieux jours. Il se motra doué par Dieu de pouvoirs miraculeux. Il participait aux réunions des saints, qu’elles traitassent de choses connues ou de questions secrètes. Aussi devint-il protecteur du pays. S’il commande à l’eau, elle s’arrête. Sa monture, c’est deux rochers qui, à sa voix, l’emportent au galop rapide des chamelles de courses. C’est eux que l’on voit encore dans les murs de sa maison, où il les a fixés. Ces prières quotidiennes, il les accomplissait en compagnie du prophète.
A sa mort, on l’enterra dans le terrain où reposait déjà son chef en sainteté, Jeddi-Mangellat. Il a disparu, mais sa puissance et encore manifeste. Il ne laissa pas de descendants, se perpétue de génération en génération. L’intime de son âme se reflète sur sa tombe. Les témoignages sont partagés à son sujet : certains le disent musulman authentique, mais les chênes qui se dressent sur sa tombe en forme de croix semblent avoir été plantés à dessein selon ce plan. Les gens ne savent trop qu’en penser. On raconte que lui-même, de son vivant, aurait prié un de ses amis de planter ainsi ces arbres. De nos jours, on y accroche des chiffons ex-voto pour obtenir la guérison de ceux qui souffrent.